Cisjordanie: la communauté bédouine d'al-Hathrura contrainte à l'exil
La situation en Cisjordanie continue de se détériorer avec l'exode forcé de communautés entières. Le village bédouin d'al-Hathrura, situé dans le centre de la Cisjordanie, est désormais entièrement déserté suite aux pressions exercées par des colons israéliens.
Un départ forcé après 45 ans de présence
Ahmed Kaabneh, membre de la communauté bédouine, avait pourtant fait le serment de ne jamais quitter ses terres ancestrales. Mais l'installation d'un avant-poste de colons israéliens à une centaine de mètres de son domicile l'a contraint à abandonner le lieu où il avait vécu pendant quatre décennies.
"C'est très difficile de quitter un endroit où vous avez vécu pendant 45 ans, quasiment toute une vie", confie M. Kaabneh, désormais installé avec sa famille dans une habitation de fortune près de Jéricho. "Mais que faire? Ils sont forts et nous sommes faibles, nous n'avons aucun pouvoir."
Une escalade de la violence depuis octobre 2023
Depuis l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023, la violence exercée par certains colons s'est considérablement intensifiée. Le Bureau de coordination des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) rapporte que quelque 3.200 Palestiniens issus de communautés bédouines ont été contraints de quitter leurs habitations depuis cette date.
Les données des Nations unies révèlent qu'octobre 2025 a été le mois le plus violent enregistré depuis le début du recensement des violences de colons en 2006.
Un territoire sous pression constante
La Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, abrite aujourd'hui plus de 500.000 colons israéliens au milieu d'environ trois millions de Palestiniens. Ces colonies sont considérées comme illégales par l'ONU au regard du droit international.
"C'est une situation terrifiante", décrivait M. Kaabneh avant son départ forcé, évoquant un harcèlement quotidien. "Ils crient toute la nuit, jettent des pierres... Ils nous empêchent de dormir la nuit et de circuler librement le jour."
Une impunité dénoncée par les organisations
Les ONG qui documentent ces incidents soulignent que les agresseurs ne sont quasiment jamais traduits en justice. En novembre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a dénoncé les agissements d'une "poignée d'extrémistes qui ne représentent pas les colons en Judée-Samarie".
Cependant, les organisations israéliennes Peace Now et Kerem Navot dénoncent des actions menées "avec l'appui du gouvernement israélien et de l'armée". La colonisation s'est particulièrement accélérée sous l'actuel gouvernement, notamment depuis le début de la guerre à Gaza.
Un exil sans fin
Aujourd'hui, le village d'al-Hathrura n'est plus qu'un amas de vestiges abandonnés. Des vélos d'enfants, des chaussures et des effets personnels témoignent d'un départ précipité.
Ahmed Kaabneh et sa famille, installés à treize kilomètres de leur ancien village, ne se sentent toujours pas en sécurité. Des colons surveillent déjà leur nouvelle communauté depuis une colline voisine. "Ils nous poursuivent partout", constate-t-il avec amertume.
Cette situation illustre les défis humanitaires complexes auxquels fait face la région, nécessitant une attention internationale soutenue pour préserver les droits des populations civiles.
